La crise sécuritaire : Sahel, Maghreb et Union Européenne.

Le choix du sujet : Sahel, Maghreb et Europe est d’actualité et de surcroit opérationnel, c’est-à-dire prêt à une mise en œuvre. Il est en effet judicieux de lier la longue et multiforme crise sécuritaire du Sahel à la sécurité de ces deux autres espaces géopolitiques que sont le Maghreb et l’Europe… sa continuité septentrionale.

Le Maghreb et l’Europe, deux régions, à plusieurs égards, liées au Sahel par la géographie et l’histoire et qui restent, comme lui, menacées par le terrorisme et les multiples activités illicites qui financent la violence armée. Deux rappels illustrent cette relation entre les trois régions.

D’abord, il est difficile de dissocier la longue crise multiforme du Sahel du reflux des violences terroristes qui ensanglantèrent le Maghreb durant la décennie 1990 – 2000. Leur défaite a largement consistée à les pousser précisément vers Sahel. L’ancrage du terrorisme dans cette région date précisément de cette période.

Par ailleurs et en même temps, le Sahel devenait le point de passage des puissants réseaux de drogues d’Amérique du Sud visant les marchés domestiques de l’Europe. Pourchassés par les services de sécurité européens, les réseaux de trafiquants de drogues, latino-américains / européens délaissèrent la voie de l’Atlantique Nord, désormais trop couteuse, et choisirent la ‘’route de Saint Exupéry Mermoz’’. Des petits avions, et de plus grands, chargés de drogues, se déversèrent sur le Sahel en route vers leurs consommateurs d’Europe. L’argent et l’insécurité s’y imposèrent.

Une gouvernance effective.

Aujourd’hui, au-delà de ce passé violent et des conséquences actuelles sur la région de la guerre en Ukraine, la priorité commune des trois ensembles – EU, Maghreb et Sahel – devrait aller à l’endiguement et l’élimination des causes structurelles du terrorisme dans le Sahel. C’est-à-dire cette région qui s’étend des côtes atlantiques aux confins du Soudan et dont l’épicentre demeure la zone des trois frontières (Burkina Faso, Mali et Niger).

Naturellement, l’objectif des états du Sahel n’est pas d’être une aire de troubles pour eux-mêmes ou leurs amis, proches ou lointains, mais plutôt une zone de stabilité et de prospérité pour tous. La présence terroriste, depuis plus de dix ans, va à l’encontre de cette ambition.

Précisément, plus il dure, le terrorisme se transforme en une lucrative activité économico politique. Son enracinement constitue actuellement le véritable défi pour tous.

Combattre avec succès le terrorisme appelle, en premier lieu, à un consensus national sur la bonne gouvernance. Le soutien, ou pour le moins la compréhension des citoyens, de l’action de leurs gouvernements en est une précondition. Face à des populations indifférentes ou hostiles à leurs gouvernements, le terrorisme ne peut être réduit et encore moins vaincu. Leur soutien demande une gouvernance où la corruption endémique et impunie n’est plus la règle. C’est elle qui encourage et nourrit la puissance des réseaux parallèles à l’état : tribalisme, régionalisme et autres systèmes de castes. Et c’est ainsi qu’elle qui déconsidère l’efficacité des messages et des actions gouvernementales.

La ‘’retribalisation’’ progressive de certains états du Sahel, y compris au niveau des services de sécurité, perçus plus comme claniques que nationaux, est un puissant stimulant au terrorisme. Au-delà des bases idéologiques, celui-ci se fortifie par la corruption. Celle qui, à travers des réseaux tribaux, s’alimente des différents trafics lucratifs de drogues, de cigarettes et des mouvements migratoires inter et extra africains. A cet égard, on peut espérer que la nouvelle Court Internationale Anti-Corruption (IACC) avec des personnalités tel le juge Richard Goldstone sera effective.

Pris en sandwich, depuis plus de deux décennies, entre les puissants producteurs de drogues d’Amérique du Sud et leurs marchés de consommation en Europe et confronté aux djihadistes venus d’ailleurs, le Sahel en paye un prix très fort. Toutefois, dans la région, certains et pas des moindres, s’en accommodèrent fort bien.

Blâmer ne constitue pas une solution.

A travers le monde, plus une crise sécuritaire dure et plus elle arrive à s’autoalimenter de ses propres malfaisances. Cette observation s’applique au Sahel qui cependant n’est pas condamné à demeurer une zone d’insécurité permanente.

Afin de marginaliser le terrorisme, faute pour le moment de le vaincre, les gouvernements du Sahel devraient d’abord consolider leurs fronts politiques nationaux : ethniques, religieux et politiques. Une gouvernance tribale ou clanique conforte et renforce les mouvements armés radicaux.

A ce niveau, le Sahel devrait actualiser la coopération entre les pays au sein d’un G 5 Sahel renforcé et élargi à des pays tels la Cote d’Ivoire et le Sénégal. Les relations avec le Maghreb – toujours très sensibles – et celles avec les états concernés et intéressés de l’Union européenne, méritent une plus grande priorité.

Enfin, dans le Sahel, les ressources minières actuellement en exploitation, en particulier l’or et à venir, en particulier les gaz, appellent à une gestion responsable afin d’éviter ‘’le mal hollandais’’ ou la malédiction des ressources naturelles.

Avec une dynamique démographique forte, qui ne se stabilisera pas à court terme, une urbanisation rapide et incontrôlée et surtout un environnement climatique menacé de l’extérieur et de l’intérieur, la région appelle à de vastes consensus nationaux pour réussir une gestion politique responsable.

Cette immense tache appelle à une coopération entre le Sahel et ses principaux partenaires dont le Maghreb et l’Union européenne.

Dans ce contexte, cette initiative – Sahel, Maghreb, EU – de l’Université Francisco Vitoria, mérite le soutien de toutes les parties. Son succès, pourrait développer des dynamiques autour d’une fructueuse coopération sécuritaire tripartite et au-delà.

Je vous remercie.

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