L’UE contre l’Europe

Madame Von der Leyen vient donc une nouvelle fois de trahir le continent dont elle a la charge avec un accord absolument ridicule signé avec Donald Trump et les USA. Un accord tellement grotesquement caricatural qu’il met désormais à la compréhension de tous la nature profonde de la construction « européenne ». Trump est un impérialiste américain dont la seule qualité est que la grossièreté des manœuvres met finalement très largement en lumière les mécanismes d’influence de l’Empire américain qui ont été construits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Si globalement les Français et les Européens ont conscience que l’OTAN est l’instrument militaire des USA plus qu’un réel système de défense des pays membres, beaucoup de nos concitoyens croyaient réellement que l’UE était par contre réellement Européenne. Certains pouvaient parfois voir que l’UE était quand même plus souvent en accointance avec les intérêts allemands qu’avec les intérêts germaniques, mais globalement nos concitoyens et une large portion de nos élites pensaient dur comme fer que l’UE permettait de faire contrepoids aux USA.

C’est cette illusion qui vient de tomber, je pense, et il faut remercier probablement la grossièreté de Trump pour ça même si ce n’était sûrement pas volontaire. Les USA en repli sur toute la planète et menacé par les BRICS sur leur statut de monnaie internationale ont donc décidé de piller massivement leurs vassaux. Il n’y a pas que l’UE c’est la même chose pour le Japon par exemple qui a signé des accords complètement absurdes avec les USA. Et on attend probablement la même chose pour la Corée du Sud. Et rappelons que cela n’a pas commencé avec Trump, mais sous Obama. Joe Biden, lui, avait massivement aidé l’industrie des semi-conducteurs US avec des aides directes sous forme de subventions. Et il avait forcé Taïwan et son industriel TSMC à investir aux USA pour produire justement des semi-conducteurs. Donc le Trumpisme s’inscrit simplement dans une stratégie de rétractation économique de l’Empire. Ne pouvant plus piller le reste de la planète avec ses multinationales, car le reste du monde s’est développé et que la Chine et les BRICS sont maintenant assez puissants pour faire barrage, les USA se recroquevillent sur leur île-continent.

Cependant comme vous le savez si vous suivez ce blog ou si vous lisez Emmanuel Todd, ou Jacques Sapir, les USA sont très désindustrialisés. Le pillage des derniers restes de l’industrie occidentale (occident sous autorité US) est donc la seule option pour reconstruire une industrie nationale. C’est le seul but des politiques de Trump. Les imbéciles qui parlent d’inflation ou de coût pour le consommateur américain sont restés coincés dans une vision fantasmatique de l’économie des années 80-90. Trump se fiche en réalité du coût pour le consommateur, lui cherche avant tout à rééquilibrer une balance commerciale extrêmement déficitaire. Comme il n’arrive à rien face à la Chine, il essaie de déséquilibrer massivement le commerce entre les USA et ses vassaux soumis en faisant signer des accords complètement déséquilibrés. Et il compte pour cela sur la servilité des dirigeants de ses vassaux. Dirigeants bien souvent mis en place par l’influence américaine. Ce n’est pas le talent de Trump pour la négociation que cette affaire met en avant, mais bien le système de corruption installé en Europe et chez les pays soumis aux USA en Asie.

L’impossibilité des accords

Ces accords sont absurdes à plus d’un titre. Si l’UE a un gros excédent de la balance commerciale avec les USA, la balance des paiements est à peu près à l’équilibre. Chose que je n’avais pas soulignée dans mes textes précédents. Les services qui rééquilibrent la balance des paiements sont surtout dans les secteurs informatiques. Ce sont donc surtout les GAFAM qui permettent aux USA de rééquilibrer leur balance des paiements avec l’UE. Et cela rend l’accord signé par Von Der Leyen encore plus ridicule parce que l’Europe a largement les moyens d’écraser les GAFAM américains en réalité et en très peu de temps. L’UE pourrait, si elle le voulait vraiment, lancer un Google européen, un Amazon européen et même virer Microsoft de nos ordinateurs. Ne pensez pas qu’il s’agisse là de quelque chose de très difficile à faire. En réalité, il serait beaucoup plus simple de se débarrasser des GAFAM américains que se passer du gaz russe ou de semi-conducteurs chinois. Et cela, Trump le sait pertinemment.

Donc l’UE a largement de quoi répliquer aux menaces des USA. D’autant que contrairement aux idées reçues l’UE ne dépend pas tellement du commerce avec les USA. Ils ne sont que notre second partenaire commercial avec la Chine et pèsent à peine plus que le commerce avec la Grand-Bretagne, un pays pourtant largement plus petit. On ne peut donc conclure de ce « deal » qu’il n’est que la conséquence d’une corruption aux plus hautes fonctions de l’UE. Mais ce n’est guère surprenant lorsque l’on connaît l’origine de la construction européenne et les intentions réelles de ses pères fondateurs qui voulaient soumettre l’Europe aux intérêts américains. Cependant il faut bien comprendre que ces accords seront simplement inapplicables. L’UE ne peut pas par exemple augmenter autant ses importations de gaz américains. C’est simplement physiquement impossible. L’UE ne peut pas plus augmenter ses dépenses militaires au niveau souhaité par les USA. Et elle n’a pas les moyens technique et politique d’imposer aux entreprises européennes d’investir 600 milliards de dollars aux USA.

On est donc ici un peu dans le n’importe quoi quantitatif. La seule chose à retenir est probablement surtout les taxes à 15% sur les exportations européennes sans rétorsion. Comme je l’ai déjà dit taxer les importations en provenance des USA ne serviraient pas à grand-chose, ils n’exportent presque pas de biens. C’est sur les services qu’il faudrait taper, mais visiblement l’UE préfère se coucher. Le fond du problème n’est donc pas vraiment une affaire de rapport de force, mais de corruption et d’idéologie. Rappelons que l’UE est une structure libérale sur le plan économique et commercial. L’état ne doit pas se mêler du commerce et le libre-échange est la règle. En un sens, les bureaucrates bruxellois ne font qu’appliquer les maximes ridicules qui sont au fondement de la construction européenne. L’autre problème est la passivité macroéconomique de l’UE. Lorsqu’il y a des crises, elle attend que la croissance reparte toute seule. En fait, elle se met structurellement sous domination étrangère puisqu’elle attend que les autres relancent la machine économique pour bénéficier de la croissance par les exportations. Ce que je décris là c’est le modèle allemand qui s’est généralisé à l’Europe entière. Là encore, cette soumission aux USA est donc volontaire et elle est stupide, car aujourd’hui le commerce avec les USA est trop petit pour vraiment tirer la croissance européenne. D’où la panne du continent depuis la crise de 2008. Les excédents européens commerciaux découlent en fait en grande partie du fait que l’Europe vit largement en dessous du niveau de vie qu’elle devrait avoir. C’est particulièrement vrai de l’Allemagne.

Sortir de l’UE est urgent

Plus grave la montée de la Chine met fin aux illusions germaniques d’être l’usine de biens avancés du monde. Dans ce secteur comme dans tous les autres, la Chine finira par dominer. Avec son marché intérieur colossal et son état très interventionniste et protectionniste, il n’y a aucune chance pour les Allemands qui continuent à exporter longtemps des biens d’équipement. C’est d’ailleurs ce que montre l’évolution des exportations allemandes vers la Chine depuis 2017. Et ce sera la même chose dans d’autres domaines de points comme l’aéronautique. L’UE est donc une machine à détruire les intérêts des nations membres en se laissant manger par le reste de la planète. Un coup d’œil sur la balance des paiements montre d’ailleurs que l’UE aurait dû mettre en place des barrières aux importations chinoises depuis longtemps. Mais elle ne fait rien. Et si elle ne fait rien contre un pays qui accumule des excédents massifs contre elle, pourquoi agirait-elle différemment contre les USA ?

Enfin, rappelons que si l’UE perd dans cet accord les pays dégâts ne sont pas du tout uniformément répartis au sein de l’UE. Le grand perdant dans l’histoire c’est la France. D’autant que c’est sur les questions agricoles que l’UE a lâché encore une fois le plus de lestes. Ce coup de massue s’ajoute aux accords récents du Mercosur. Pour la France l’UE n’est plus qu’un boulet qui coûte de plus en plus cher sans qu’on y gagne rien en retour. J’ose espérer que ces accords loin d’être l’espoir d’une réindustrialisation pour les USA signent la fin de la construction européenne et le début de la libération du peuple français. Nous ne pouvons plus continuer comme cela à servir des intérêts qui ne sont jamais les nôtres.

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